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Une Histoire...
Interview de Bernard Néplaz (B.N), fondateur du Foyer Culturel de Sciez (FCS) en 1963
FCS : Quelles sont vos motivations quand vous créez le Foyer en 1963 ?

B.N : En 1961 je suis nommé instituteur à Sciez, ma commune d’origine. La commune compte alors environ 1 500 habitants et 7 écoles, 3 au chef-lieu et 4 dans les hameaux (Bonnatrait, Chavannex, Filly et Prailles) fréquentées par 140 élèves au total. Comme tous les instituteurs à cette époque, j’ai reçu une formation, que l’on qualifierait de citoyenne aujourd’hui, qui nous incite à nous investir dans les activités périscolaires. Il existe à Sciez un climat très favorable à l’école publique de la part de la municipalité dont le maire est mon père, Alexandre Néplaz, fondateur de la Résistance à Sciez durant la guerre. L’Association des Parents d’élèves, affiliée à la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves (F.C.P.E.) est très active sous l’impulsion de Jean Dunand qui succédera à mon père comme maire en 1971. Enfin, les enseignants sont regroupés au sein de la Coopérative Scolaire qui organise quelques manifestations telles la fête de Noël, la promenade scolaire, un bal annuel…Au bout d’une année scolaire, prenant en compte un tel contexte, je réfléchis et pense que l’on peut faire beaucoup plus.

FCS : Dans quel domaine ?

B.N : Dans l’idée que ce travail d’animation ne concerne que les élèves scolarisés à Sciez mais ne touche pas les anciens élèves scolarisés à Douvaine et Thonon,  et également les plus âgés ou encore les adultes. C’est ainsi qu’à l’automne 62, je propose la création d’une structure qui associe enseignants et parents d’élèves avec le soutien de la municipalité pour développer des activités socio-culturelles : c’est ainsi que naît le Foyer Culturel dont les statuts seront adoptés officiellement au printemps 1963. La nouvelle association est aussitôt affiliée à la F.O.L. la Fédération des Œuvres Laïques.

FCS : Pourquoi la F.O.L. ?

B.N : A cette date, la question ne se pose même pas. La F.O.L., section départementale de la Ligue Française de l’Enseignement, est le grand mouvement d’éducation populaire qui rassemble, notamment dans le primaire, beaucoup d’enseignants. Etre affilié à un tel mouvement c’est s’assurer d’un soutien dans de nombreux domaines telle que la formation de nos militants bénévoles, des liens solides avec l’Education Nationale à tous les niveaux, avec l’administration de la Jeunesse et des Sports, sans parler d’une couverture juridique d’une assurance mutualiste au service de l’école publique. Et puis, nous sommes en 1962, 17 ans après la fin de la seconde guerre mondiale. Notre pays poursuit sa reconstruction  dans un contexte où le programme du Conseil National de la Résistance inspire encore la majorité des forces politiques même si la guerre d’Algérie a quelque peu bouleversé les mentalités. L’attachement à la République, à ses valeurs, sont profondément ancrées dans les orientations des mouvements d’éducation populaire, notamment de la Ligue de l’Enseignement et de la F.O.L. qui furent, l’une et l’autre, parmi les premières dissoutes par le gouvernement de Vichy en 1940.

FCS : Cette création est immédiatement un succès ? Quels furent les obstacles à surmonter ?

B.N : Je pourrais parler longtemps sur ce sujet. Il y a eu des difficultés, des crises, mais elles ont pu être surmontées grâce à une vie associative intense, où les instances, assemblée générale, conseil d’administration, bureau, président, remplissaient leur rôle et tenaient leur place. Les habitants, les élus, les administrations ont compris qu’on n’avait qu’un seul objectif : mettre au service de tous des activités culturelles, sportives, sociales. Et ça a marché !

FCS : Vous en étiez le Président inamovible ?

B.N : Pas du tout. Je  n’ai jamais été président, mais j’aidais les Présidents successifs à jouer leur rôle. C’est devenu plus difficile quand nous avons commencé à avoir des salariés et notamment un animateur permanent : le Président devait apprendre à devenir un patron. Mission difficile qui oblige le président à se former.

FCS : Il me semble que le Foyer a grandi au-delà de vos espérances ?

B.N : Oui. Le Foyer a grandi, comme la commune a grandi. Des besoins nouveaux ont surgi, les enseignants n’ont plus joué le même rôle que par le passé, de même que les associations de parents d’élèves. Le Foyer a évolué, les salariés permanents occupant de plus en plus de responsabilités et sans le vouloir, mettant parfois en cause la vie démocratique de l’association.

FCS : Le Foyer a pourtant continué à remplir sa mission.

B.N : Pour l’essentiel, oui. La création d’activités nouvelles a répondu aux besoins des nouveaux habitants qui en arrivant à Sciez découvraient une structure  qu’ils connaissaient rarement ailleurs. Tous les maires successifs, y compris moi-même, ont pu apprécier que le Foyer les aide à résoudre des problèmes liés notamment à l’augmentation rapide de la population scolaire. Y compris pour l’unité de la commune, l’existence de deux groupes scolaires faisant que, sans le Foyer, les jeunes des deux secteurs auraient peu l’occasion de comprendre qu’ils appartiennent à la même communauté. Ce qui ne veut pas dire que d’autres associations, sportives notamment, n’apportent pas aussi leur contribution à ces échanges.

 

FCS : Tout va bien alors ?

B.N : Non, je crois que de nouveaux problèmes se posent, liés par exemple à l’intercommunalité. Que va devenir la commune dans ce nouveau paysage politique et administratif ? Je suis de ceux, et ils sont nombreux, qui voient avec inquiétude, s’éloigner les centres de décision où les besoins essentiels des habitants sont traités. Dans ce contexte, il faut que nos communes, et d’abord Sciez, restent un lieu de rencontre des habitants, un lieu où l’on se connaît et où l’on débat. Et dans ce contexte le Foyer doit devenir, redevenir, un lieu de formation citoyenne, et pas seulement pour les jeunes générations.

 

FCS : C’est urgent ?

B.N : C’est urgent et fondamental. La situation politique de notre pays, de l’Europe, du monde, la montée des antagonismes religieux et des haines raciales, l’exigent. Nos associations d’éducation populaire doivent prendre toute leur place dans le combat pour que la haine ne devienne pas la règle de vie entre les habitants, pour que la fraternité ne soit pas un mot vide de sens sur le fronton de notre mairie comme notre Maire Jean Luc Bidal l’a rappelé à plusieurs reprises récemment et notamment le jour du forum des associations 2016. Je fais mien son message et j’invite les responsables des associations d’éducation populaire et en premier lieu les responsables du Foyer Culturel, à en faire de même.

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